Petit article en hommage à mon Grand Père maternel (Ferdinand Hoeffler) qui tous les matins coupait avec application des petits croûtons de pain pour donner à manger aux pigeons….
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Encore dans les années 50, nombre de Bruxellois possèdent au sommet de leur demeure un pigeonnier. « un Kijker » en bruxellois où ils élèvent des pigeons voyageurs. Quand il ne voyage pas, le pigeon roucoule et les voisins doivent renoncer, une fois pour toutes, à faire la grasse matinée ! C’était le cas pour mes parents qui vivaient dans un immeuble sur la Place de Jeu de Balle.
Quand le pigeon voyage et revient des lieux où il fut convoyé, il lui prend parfois la fantaisie de s’attarder à deux pas de sa demeure, sur quelque corniche. On assiste alors à une scène où notre passion des pigeons prend des accents exceptionnels. Mimique persuasive, implorante, menaçante, du propriétaire pour décider le volatile à réintégrer son domicile ; paroles tendres, petits noms, diminutifs en « ke » ou en « che », comme « chouque, tache,… » que l’indifférent reçoit comme une grand dame les hommages d’un pâle inconnu.
Vient un moment où l’homme se fâche ; ses gestes se font comminatoires, sa voix s’élève, se fait rude. Il perd la partie, mais il faut que colère se passe…
… Et voilà pour quoi notre radio nationale consacre, chaque dimanche, plusieurs émissions sibyllines aux profanes, vouées aux convois et aux lâchers, religieusement écoutées par des milliers d’amateurs de colombophilie.
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Si vous croisez à Bruxelles ces passants porteurs de paniers, nul doute : voici des fervents d’un sport grave et populaire entre tous : LA COLOMBOPHILIE !
N’allez pas croire que ces volatils étaient considérés comme aujourd’hui !
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Au 28 de la rue Ste Catherine, à la brasserie du grand château d’or, le coup d’éclat suivant fut réalisé par le patron Mr Vandenkerckhoven. Il obtint en juillet 1859 , de fournir ses locaux aux réunion de la « Société de Colombophiles Union et Progrès », avec d’emblée l’envoi de 63 pigeons parmi les grands cracks du moment, au concours d’Angoulême. Un mois plus tard, ce furent 169 bestioles qui prirent le train de Pontoise. Les deux premières rentrées au bercail appartenaient à M. Beghuin, la 3ème à M. Deruysscher, la 17 ème et dernière au pauvre M. Ysermans… Et le même mois encore, ce fut grande agitation dans la brasserie à l’occasion d’un concours à Versailles, qui donna l’occation à M. Deruysscher de prendre sa revanche…
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En septembre 1887, la fédération des sociétés colombophiles de l’agglomération bruxelloise a organisé, sous le patronage de la société Bruxelles-Attractions, une fête originale qui a obtenu un vif succès d’intérêt et de curiosité.
Il faut dire qu’il existait bon nombre de colombophiles en Belgique.
Cette fête, donnée au profit des pauvres, consistait en un grand lâcher de pigeons, en courses pédestres. Le lâcher s’est fait au parc Léopold. Le matin a eu lieu, à travers les rues de la capitale, le défilé des chars transportant les paniers qui allaient prendre part au concours.
A 14h, au milieu d’une foule énorme, on a libéré 25.000 pigeons qui, tous à la fois, sont partis en un seul groupe, obscurcissant la lumière du jour par leur masse compacte. Imaginez, le froissement engendré par 50.000 ailes battant de concert…. Ce bruit produisit un son comparable à un coup de tonnerre.
L’immense essaim a tournoyé un instant dans l’espace tel une véritable orgie ornithologique ! Puis, à un moment donné, comme obéissant à un commandement, les oiseaux se sont dispersés aux quatre coins de l’horizon.
A ce moment-là, un aérostat s’élevait gracieusement dans les airs, semblant poursuivre les pigeons.
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Ce spectacle, très curieux, a été suivi avec intérêt et émotion par la foule de spectateurs. Quelques instants plus tard, la foule se disloqua lentement. Chacun avait la tête encore emplie du vol des pigeons. Certains avaient aussi les poches vides suite aux vols perpétrés par les « pickpockets » ! Car il s’en trouve toujours là où il y a des pigeons à plumer…. Et oui…. Déjà en ce temps là !
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Vendeur de pigeons sur la Gd Place à Bruxelles
Après le pain, les jeux, cela se savait déjà au temps des Romain. Aussi le cabaretier J.H. Werrie-Winteroy put-il, lors de la Kermesse de juillet 1889, recevoir en son Jardin Joyeux les non moins joyeux colombophiles de la société « La Colombe Joyeuse » chargés du grand concours par la Fédération des Société colombophiles bruxelloises. Une cérémonie répétée en 1898, et marquée par un grand lancement de pigeons à Chantilly.
En évoquant cette Colombe Joyeuse, voici un instant, profitons-en pour souligner combien, avec le jeu de balle (et bien sûr tus ces tirs d’archers et arbalétriers), le culte de la colombophilie appartient de façon extraordinairement intime à l’âme bruxelloise. Il faut savoir que voici un siècle et davantage, les innombrables estaminets spécialisés ne vivaient pratiquement que de l’effervescence que leur apportaient les comités colombophiles dont ils étaient arrivés à obtenir les réunions régulières chez eux. Et les jours de concours, on scrutait l’arrivée des coureurs, hors d’haleine, porteurs des précieuses bagues des pigeons rentrés au pigeonnier.
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En ces temps où les enregistreuses n’étaient pas encore inventées, seul comptait en effet le moment de la remise de la bague au chronométreur. Le propriétaire du pigeon, stationné dans son pigeonnier, scrutait les cieux, et sitôt l’oiseau rentré, il s’emparait de la bague, la jetait dans un tube fixé à sa façade, où les ketjes la saisissait et filait au « kaberdouche ». En hurlant, avec ses compères de rencontre « Pigeon, pigeon ! », et manquant à chaque instant de faire trébucher les bourgeois malencontreusement dans son chemin.
Alors ceux-ci se lançaient à la poursuite des impudents garnements, ce qui créait parfois d’indescriptibles désordres ! Tout cela appartenait à un folklore bien établi, et finalement personne n’y trouvait à redire.
…Un folklore qui devait disparaître d’un coup, comme nous en informe la presse de janvier 1896, « encore un petit métier qui va disparaître » ajouta-t-elle la larme à l’œil. Par l’invention en France de l’appareil « L’inviolable », qui …supprime les coureurs portant, à une allure extraordinaire, les bagues aux sièges sociaux, et les froissements qui peuvent surgir entre les membres d’une même société ».
Naissance de l’appareil à horloge marquante, scellé, plombé, où l’on introduit la bague des pigeons rentrés au colombier, et rendant toute fraude impossible. « Voilà qui va révolutionner les règlements de la colombophilie ». En effet, finis les gamins à la course folle.
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Les pigeons du Bois de la Cambre
Telle étaient donc les mœurs des colombophiles du siècle dernier, et en particulier ceux du cabaret « Le Jardin Joyeux ». Lequel acquit au cours des années 1895 une importance à peu près égale à celle du « Grand Château d’Or » de la rue Ste Catherine, si l’on en juge par les sociétés qu s’y réunissaient régulièrement.
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En Août 1898, on convia la foule à venir participer depuis la gare du Midi jusqu’à la Porte d’Anderlecht à un lâcher monstre de pigeons, avec « des dizaines et des dizaines de paniers remplis de pigeons » rangés à côté des baraque de la foire. Après 3 coups de canon retentissants, les paniers sont ouvert, quelques pigeons s’échappent, filent à tire d’aile, puis la grande masse des oiseaux s’élèvent, tournoie comme de larges feuilles mortes emportées comme un tourbillon, tandis que les orchestres de la foire tonitruent, que les orgues de Barbarie gémissent des airs d’opéra et que les danseuses de parades esquissent des pas plus ou moins légers…
Les pigeons partis, on s’en retourne aux montagnes russes…
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Durant la guerre 14-18
Malgré le fait qu’à l’époque on voyait se développer la téléphonie et l’émission radio, il était fréquent que des unités soient isolées ou que des messages devaient être envoyés rapidement sur de longues distances. Dans ce cas, on avait recours aux pigeons voyageurs. Ils étaient élevés et transportés vers des unités mobiles au gré des besoins dans les zones de front différentes.
100.000 pigeons furent employés par les Anglais durant cette guerre.
C’était une belle stratégie mais l’occupant allemand prit connaissance de ce subterfuge et décida d’interdire aux civils des zones occupées de lâcher les pigeons !
Toutes personnes désobéissantes étaient menacées de mort par voie de presse. Les personnes qui récupéraient des pigeons voyageurs, étaient également tenues de remettre ceux-ci aux autorités militaires faute de quoi, elles seraient accusées d’espionnage !
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14 mai 1922, voici l’un des 2 avions … butin de guerre pris à l’Allemagne, qui vient d’être transformé en colombier volant pour le transport de pigeons voyageurs mis au concours. Nous avion déjà l’aviation militaire, l’aviation civile, voici l’aviation pour … volatiles !
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Les colombophiles espèrent, par ce moyen épargner à leurs pigeons les fatigants et coûteux voyages en train ou en camion. Comme le montre notre photo, des loges latérales ont aménagées dans le fuselage de l’avion. Il suffit d’amener les paniers contenant les pigeons et le transbordement s’accomplit. L’aéroplane n’a plus qu’à voguer vers le lieu de lâcher, où il arrivera en quelques heures au lieu de 2 jours.
LA STATUE.
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Bruxelles fut probablement la seule ville à rendre hommage aux pigeons voyageurs durant la guerre. Cette statue est l’œuvre de Victor Voets et fut inaugurée en mars 1931. Elle se situe Square des Blindés à Bruxelles.
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Merci à Jeancke …. (Jean-Pierre Roels) pour la recherche de documents…
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N’empêche, que les bruxellois aiment aussi la saveur du pigeon…et certains terminaient à la casserole ! ... Allei ! Mangez… ‘t es van brussel …
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PIGEON A LA HOEILLAARTOISE
Vieille recette mais savoureuse d’une commune où les pigeonniers étaient légion.
Procurez-vous 2 pigeons jeunes et bien en chair.
Videz-les et troussez-les.
Dans une sauteuse, faites fondre un bon morceau de beurre et déposez-y les pigeons.
Faites-les rôtir sur chaque face durant quelques minutes.
Ajoutez ensuite un demi-litre de bouillon de volaille et 25 cl de vin blanc.
Salez, poivrez, ajoutez du thym et du laurier.
Pendant ce temps, épluchez une dizaines de petits oignons et nettoyez 250 gr de champignons.
Ajoutez-les dans la sauteuse.
Couvrez et laissez mijoter 50 à 60 minutes à feu doux.
A la fin de la cuisson, retirez les pigeons et laissez réduire un peu le jus de cuisson…. Puis liez la sauce avec 2 jaunes d’œufs dilués dans 15 cl de crème fraîche. Rectifiez l’assaisonnement et laissez réduire 1 à 2 minutes. Passez la sauce au tamis.
Dressez les pigeons dans un plat avec la sauce.
PIGEONS AUX PETITS OIGNONS.
Prenez 2 pigeons. Coupez-les en 4 (dans le sens de la longueur puis en chaque moitié).
Dans une cocotte, faites fondre 2 bonnes cuillères à soupe de beurre.
Faites-y dorer les morceaux de pigeons sur chaque face.
Quand ils ont prit une bonne couleur, ajoutez-y une trentaine de petits oignons épluchés.
Couvrez et laissez cuire environ 7 à 8 minutes en mélangeant de temps à autre.
Ajoutez ensuite 25 cl de vin blanc sec, 25 cl de bouillon de volaille, un bouquet garni, un clou de girofle, un peu de ciboulette hachée du sel et du poivre.
Laissez mijoter environ 1 heure à feu doux
Pendant ce temps, préparez la garniture suivante :
Epluchez 125 gr de champignons de Paris, faites-les revenir dans du beurre.
Nettoyez 4 ris d’agneau et un ris de veau.
Faites-les dégorger dans de l’eau froide puis trempez-les quelques instants dans de l’eau bouillante pour les faire blanchir.
D’autre part, détaillez en petits morceaux, un rognon de veau et faites-le sauter à la poêle dans un peu de beurre.
10 minutes avant de servir, ajoutez dans la cocotte des pigeons, les champignons, les ris et les rognons. Rectifiez l’assaisonnement et laissez mijoter environ 10 minutes.
En fin de cuisson, disposez les morceaux de pigeons entourés de leur garnitures de cuisson et réservez au chaud.
Liez la sauce avec un demi-citron pressé et un peu de maïzena diluée dans du lait.
Nappez votre plat de cette sauce et servez…
Bon appétit ….